L’état plasma
En raison de sa forte ionisation qui induit des comportements spécifiques, le plasma est un état de la matière singulier, au regard des états solide, liquide et gazeux qui structurent notre environnement terrestre. D’où son appellation de quatrième état de la matière. Les plasmas sont multiformes et, par ailleurs, omniprésents dans l’univers, qu’ils soient à l’état naturel ou bien créés artificiellement sur Terre ; dans ce dernier cas, souvent dans des conditions extrêmes qui font qu’états de plasma et grands instruments de recherche sont étroitement associés. La physique des plasmas constitue un domaine de recherches à la fois spécifique et interdisciplinaire. Elle offre des possibilités uniques pour la réalisation en laboratoire d’états de la matière très dilués ou bien très denses, très froids ou bien très chauds que l’on trouve à grande échelle dans l’univers. Elle est par ailleurs structurée par des grands programmes de recherches cognitives, d’une part, en sciences de la matière, en astrophysique, en planétologie, sur les ultra-hautes intensité laser et de recherches finalisées, d’autre part, sur des enjeux sociétaux majeurs rassemblant la fusion thermonucléaire, les processus innovants pour la structuration et la résistance des matériaux, l’environnement, la santé, la propulsion.
Afin d’y voir plus clair dans les différents plasmas, il est habituel de prendre en compte la densité de particules (ou de manière équivalente la distance moyenne inter-particule) et de considérer l’énergie cinétique moyenne à disposition des particules. Les plasmas peuvent alors être étiquetés, de dilués ou denses voire quantiquement dégénérés, d’une part, et de froids ou chauds, d’autre part. En raison de la diversité des instruments utilisés et des projets poursuivis, la communauté de recherche associée se structure traditionnellement en quatre catégories : plasmas naturels, plasmas froids de procédés, plasmas de fusion magnétique et plasmas créés par interaction laser-plasma. Les plasmas sont au centre de nombreuses applications : matériaux et environnement, satellites, rentrée atmosphérique, accélération d‘électrons et d’ions, sources de rayonnement X brèves et énergie, en particulier dans le cadre de la fusion thermonucléaire magnétique ou inertielle. Le défi énergétique associé à cette dernière application prend forme sur le territoire national au travers de la construction de très grandes installations sur son territoire, à savoir l’International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) à Cadarache et le laser mégajoule (LMJ) à Bordeaux.
Les recherches en France
La connaissance des plasmas, qu’ils soient naturels ou artificiellement créés sur terre, la physique associée et les technologies permettant de les créer, de les observer et de les contrôler conduit à des recherches avancées au sein de laboratoires de physique des plasmas, d’astrophysique ou de technologie situés au sein des universités et d’écoles d’ingénieur, d’organismes publics tels le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Commissariat à l’Energie atomique et aux Energies Alternatives (CEA), l’Office National des Etudes et Recherches Aéronautiques (ONERA) et d’entreprises privées.
La France rassemble une communauté importante dans le domaine des plasmas naturels tels que rencontrés dans notre système solaire et la magnétosphère terrestre. Le développement et l’analyse scientifique des missions satellitaires d’envergure, présentes (SOHO, CLUSTER, ACE, …) et futurs (Solar Orbiter, MMS – Magnetospheric Multiscale, TARANIS, …) couvre toutes les échelles caractéristiques ainsi que leur évolution, depuis l’ionosphère proche à l’environnement du Soleil, permettant de mieux comprendre la météorologie de l’espace qui est le volet « science appliquée » de cette discipline.
La communauté scientifique française des plasmas froids s’intéresse à l’étude fondamentale des décharges et des plasmas, et à leurs interactions avec les gaz, liquides et solides, pour des applications qui couvrent un large spectre incluant l’énergie (combustion assistée par plasma, conversion d’énergie), l’environnement (dépollution), le traitement de surfaces et la fonctionnalisation de matériaux, les procédés, l’aéronautique et l’aérospatial, et, plus récemment, les applications biologiques et médicales.
Les plasmas et les grandes installations de recherche
1. La fusion nucléaire
La France est donc le siège de deux grands programmes de recherche sur la fusion thermonucléaire. Ces programmes sont largement ouverts à la communauté scientifique européenne et mondiale. La mise en route et l’exploitation scientifique de ces grands équipements de fusion qui doit se poursuivre sur au moins deux décennies, nécessite le développement d’une communauté scientifique hautement compétente et suffisamment large qui passe par une formation de niveau master et doctorat.
En raison de l’investissement très important qu’elles engagent, les recherches spécifiques sur la fusion font partie intégrante de réseaux à grande échelle : réseau national (association EURATOM-CEA), européen (organisation European Fusion Development Agreement pour le JET) et mondial (ITER, International Fusion Energy Organization) pour la fusion magnétique et réseau national (Institut Laser Plasmas) pour la fusion inertielle.
Pour la fusion par confinement magnétique, les recherches se sont structurées au sein du CEA, du CNRS et des universités et écoles d’ingénieur dès les années 60 avec en particulier le tokamak situé sur le centre CEA de Fontenay aux Roses puis depuis la fin des années 80 le tokamak à longue décharge doté de bobines de confinement supraconductrices Tore-Supra, situé sur le site CEA de Cadarache. Ce tokamak rebaptisé récemment tokamak WEST est voisin du futur tokamak ITER, en construction à Cadarache, grand projet international mené en partenariat par l’Union Européenne, le Japon, la Chine, la Corée du sud, la Russie, les USA et l’Inde. Une communauté importante .
Pour la fusion par confinement inertiel, la pièce maîtresse est le Laser MégaJoule (LMJ) actuellement en construction près de Bordeaux. Les recherches couplent étroitement CEA, CNRS, universités et écoles d’ingénieur autour de plasmas chauds et denses dont les caractéristiques rappellent celles de coeur d’étoiles. Etroitement associé de par les compétences mises en oeuvre, la communauté des chercheurs associés est également très investie dans le domaine des ultra hautes intensités laser. La France abrite le laser PETAL couplé au laser LMJ en vue d’un diagnostic de radiographie des plasmas créés par le laser LMJ ; elle abritera prochainement un grand équipement, à savoir le laser Apollon, en cours de construction sur le plateau de Saclay. Son niveau de puissance jamais encore atteint donnera lieu à la génération de rayonnement ou bien de particules chargées à fort courant autorisant des recherches nouvelles à caractère cognitif mais aussi applicatif dans les domaines de l’accélération d’électrons et d’ions, du diagnostic de la matière dense, etc.
2. Les faisceaux de particules chargées
La physique des faisceaux de particules chargées est à bien des égards la sœur de celle des plasmas neutres et les technologies des accélérateurs de particules communes aux générateurs de plasmas : vide, cryogénie, supraconductivité, magnétisme, cavités radio-fréquence, diagnostics. Des laboratoires du CNRS ou du CEA jouent un rôle particulièrement actif dans les grands projets nationaux, européens et internationaux d’accélérateurs de particules (Soleil, Ganil, ESS, LHC, Fair ou IFMIF, pour ne citer qu’eux) où physiciens et ingénieurs collaborent au service de recherches publiques ou industrielles variées : physiques des particules, nucléaire, matériaux, biologie, chimie, médecine, environnement, archéologie, art….
3. L’interaction laser-matière à haute intensité
L’intensité crête des impulsions lasers délivrées par les lasers de puissance actuels est telle que le “pied” de ces impulsions suffit à ioniser la matière sur laquelle la lumière laser est focalisée. L’interaction lumière -matière est alors celle d’un champ électro-magnétique intense avec un plasma totalement ionisé. Suivant l’intensité considérée, plusieurs régimes d’interaction seront rencontrés, conduisant chacun à une physique des plasmas très riche mais aussi très complexe, nécessitant des méthodes et des moyens de calculs numériques intensifs.
En retour, la compréhension de cette interaction a permis de développer des concepts de conversion de l’énergie laser en faisceaux de rayonnement ou de particules aux propriétés originales. Ces sources secondaires deviennent progressivement parties intégrantes des grandes installations scientifiques.
Voir aussi la page sur les lasers.
4. L’astrophysique de laboratoire et la matière sous condition extrême
La combinaison de plusieurs instruments sur les grandes installations permet aujourd’hui de produire et d’étudier la matière soumise à des conditions extrêmes de pression, de température, de dégénérescence ou encore de champ magnétique…Ces conditions sont similaires à celles présentes au coeur des planètes, des étoiles ou des disques d’accrétion, etc…ou extrapolables à des situations astrophysiques par des lois d’échelle. Citons quelques exemples:
- De part leur densité (1000 fois celle du solide) les plasmas de fusion inertielle présentent de fortes analogies avec ceux présents dans les naines blanches.
- La combinaison de lasers intenses et de champs magnétiques pulsés de plusieurs dizaines de Tesla permet de produire des jets de plasma magnétisés à plusieurs centaines de km/s. Leur évolution présente des analogies avec les jets observés dans de nombreux objets astrophysiques.
- Les installations produisant des lasers énergétiques ou des faisceaux d’ions permettent de porter un échantillon de matière à des pressions similaires à celles présentes au coeur des planètes, y compris les géantes gazeuses. Sur ces installations, un laser intense “annexe” est souvent converti en un flash de rayons X pour radiographier l’échantillon à différents instants de sa mise en pression et en déduire la disposition prise par les atomes.
- Les lasers X à électrons libres sont aujourd’hui capables de photo-ioniser intégralement et en quelques femtosecondes un échantillon de matière solide. Le plasma ainsi obtenu est qualifié de “tiède” et dense et constitue un état de la matière original, faisant l’objet de recherches actives.